mardi 7 juillet 2009

Un lycéen bloqueur se voit interdire l'accès à la classe terminale

LEMONDE.FR | 06.07.09 | 20h40

Tristan Sadeghi vient de finir son année en première économique et sociale au lycée Maurice-Ravel, à Paris. Il est délégué de sa classe, ses notes sont bonnes et ses professeurs contents de lui. Pourtant, et alors que les grandes vacances commencent, son passage en classe de terminale est incertain car Tristan a été un "bloqueur" lors des manifestations lycéennes de février. C'est la raison pour laquelle quand il a souhaité déposer un dossier de réinscription le 16 juin dernier, le personnel a, selon la famille de l'élève, refusé.

D'après les parents de Tristan, le proviseur aurait expliqué qu'il souhaitait un engagement écrit de leurs fils de ne plus participer à des activités de blocage. Le père envoie alors un courrier à la direction de l'établissement pour dénoncer une "décision discriminatoire et illégale", car Tristan n'a pas bloqué son lycée tout seul. Le père indique tout de même que "Tristan n’a plus aucune intention de bloquer le lycée et doit se concentrer entièrement sur ses études", mais le proviseur souhaite un engagement écrit de la main de Tristan (voir la lettre du proviseur, publiée sur le site du Nouvel Observateur).

Lundi 6 juillet, professeurs, camarades de classes et élus locaux se sont donc réunis devant le rectorat de Paris pour défendre son cas. Danielle Simonnet, conseillère de Paris, déléguée auprès de la maire du 20e arrondissement chargée de la lutte contre les discriminations, de l'intégration, du handicap et du monde associatif, qui assure "bien connaître" Tristan dans un courrier publié sur Internet, a dénoncé une "situation et [une] pression psychologique exercée sur l'élève et ses parents insupportable et inacceptable".

Le Monde.fr

ça chauffe ...

Alors que les vacances scolaires approchent, l’éducation nationale solde ses comptes avec ses «désobéisseurs».
Au moment même de l’annonce du départ de Xavier Darcos du ministère de l’éducation, deux d’entre eux ont reçu une convocation devant une commission disciplinaire, les 7 et 9 juillet, et un troisième s’est vu interdire l’accès aux médias «/pour tout sujet ayant rapport avec [ses] fonctions/».
Ils sont presque 3.000 enseignants en France à refuser ouvertement d’appliquer certaines réformes de l’école primaire. Mais, selon l’attitude de leurs inspecteurs, seuls 70 à 80 d’entre eux ont été sanctionnés par des retenues de salaire allant, selon les cas, de dix à trente-six jours. Et parmi eux, les plus médiatisés comme Alain Refalo, auteur en novembre 2008 d’une des premières lettres de désobéissance , sont aussi les plus durement frappés.
Outre la retenue de quatorze jours de salaire et un refus de promotion, cet enseignant de l'école Jules-Ferry de Colomiers, près de Toulouse, est convoqué le 9 juillet dans son académie de Haute-Garonne devant une commission de discipline, composée pour moitié de représentants des syndicats et pour l'autre de ceux de l'administration. Il lui est reproché un refus d'obéir, un manque au devoir de réserve, une invitation à la désobéissance et une attaque publique contre un fonctionnaire de la République. Christian Navarro, de la FSU de Haute-Garonne , y voit la main du ministère lui-même. «/Nous sommes à peu près sûrs que le dossier à charge a été concocté par les services juridiques du ministère/, avance-t-il. /La lecture des charges est assez terrifiante et donne l’impression que l’inspection académique s’est transformée en tribunal militaire mais au final le dossier ne contient pas grand-chose puisque Alain Refalo a fait toutes ses heures de service./» Refusant d’appliquer les deux heures d’aide individualisée, vues comme un «/prétexte à la suppression de milliers de poste du RASED [Réseau d'aide spécialisée aux enfants en difficulté]/», Alain Refalo anime en effet à la place un atelier de théâtre avec ses élèves de CM1.
Contraint au silence A Marseille, Erwan Redon, enseignant à l'école des Convalescents, risque lui la révocation. Il est convoqué le 7 juillet devant une commission disciplinaire, officiellement pour «/insuffisance professionnelle/». Ce «/désobéisseur/» avant l’heure, militant Freinet, est bien connu des services académiques pour refuser toute inspection depuis 2005. Il a déjà été sanctionné de 32 jours de retrait de salaire pour avoir remplacé l’aide individualisée par des ateliers. Autre figure connue de la désobéissance, Bastien Cazals, le très remuant directeur d’école maternelle à Saint-Jean-de-Vedas, dans l’Hérault, s’est vu réduit au silence. Une lettre de son inspecteur d’académie en date du 23 juin, lui «/donne l’ordre de ne plus communiquer avec aucun média pour tout sujet ayant rapport avec [ses] fonctions/». Auteur d’un petit livre publié en mai 2009, /Je suis prof et je désobéis/ , Bastien Cazals avait par ailleurs engagé un recours devant le tribunal administratif contre «/une inégalité de traitement flagrante dans les sanctions/». «/Nous sommes trois enseignants dans mon école maternelle à avoir choisi de faire des activités par petits groupes au lieu de l’aide individualisée et je suis le seul à être sanctionné /[36 jours de retrait de salaire, NDRL]», expliquait-il à l’époque. L’audience devant le tribunal administratif est fixée au 6 juillet.
Le débat se focalise sur la question épineuse de l'obligation de réserve des enseignants . «/M. Cazals est libre de s'exprimer librement en tant que personne mais comme directeur d'école il représente l'institution/», justifie sur le site du Café pédagogique , l'inspecteur d'académie de l'Hérault, Paul-Jacques Guiot.«/On est là dans l’abus de pouvoir/, estime Alain Refalo, à qui est également reproché un manque au devoir de réserve. /Notre devoir de réserve concerne uniquement les élèves, leur travail et problèmes particuliers, pas notre liberté d’expression./»
A l'appel d'un certain nombre d'entre-eux (Bastien Cazals, Isabelle Huchard, Jean-Yves Le Gall, Erwan Redon, Alain Refalo et Josef Ulla), les «désobéisseurs» sanctionnés ou menacés se tiendront le 7 juillet, jour de la commission de discipline d'Erwan Redon, sur la Canebière à Marseille, «/munis d'une pancarte indiquant leur sanction/.»

mercredi 1 juillet 2009

Absentéisme enseignant : publiez les vrais chiffres !

L'annonce faite par RTL, reprise ensuite par tous les médias, validée par les propos de Luc Chatel, d'une étude ministérielle qui estimerait qu'un enseignant du primaire sur deux a bénéficié d'un congé de maladie en 2008 est-elle un bidonnage ? Trois éléments penchent en ce sens.

Le doute le plus sérieux vient du fait que l'étude reste mystérieuse, RTL ne l'a toujours pas publiée. On n'a donc aucune idée de ce qui a été vraiment décompté et du sérieux de cette enquête. D'autres éléments de doute viennent de l'incohérence entre les chiffres avancés et d'autres données officielles. L'Expresso avait évoqué le rapport sur les performances du ministère. Mais d'autres rapports contredisent les affirmations de RTL. D'abord un intéressant travail de l'Insee sur les congés maladie et accidents dans l'économie française qui établit une loi : "plus le travail est qualifié, moins on s'absente pour cause de maladie ou d'accident". Cette étude fixait un taux moyen d'absence des enseignants à 1,7% pour le primaire et 1,5% pour le secondaire, loin derrière la plupart des professions, par exemple les employés de commerce (3), les ouvriers non qualifiés de l'industrie (4,3). Seuls les ingénieurs et cadres du privé et les cadres de la fonction publique font mieux. Cette étude a 10 ans d'âge (1998) mais, si les chiffres ont pu évoluer, la logique qui les anime est sûrement encore à l'oeuvre.

Mais il y a des données beaucoup plus récentes. En présentant la carte scolaire 2009, le ministère a lâché quelques chiffres, preuve s'il en était qu'il les détient. Concernant les enseignants du primaire, la Dgesco affirme que "on constate que sur 10 ans le taux d'absence a augmenté au niveau national 5,98 en 1998-1999 et 7,23% en 2006-2007". Que le taux d'absence ait augmenté n'est pas très étonnant compte tenu du vieillissement de la population enseignante (moyenne d'âge 40 ans). Encore faut-il préciser qu'il concerne tous les motifs d'absence (pas seulement la maladie et on a vu dans le rapport de performance que les motifs administratifs pèsent plus lourds que la maladie). Il s'établit à environ 7% des heures enseignées. Comment avec 7% d'heures avoir "la moitié d"enseignants absentéistes" ??? Précisons quand même que ce taux est très variable d'un département à l'autre, avec parfois des facteurs évidents (on a plus d'absents dans les zones difficiles), parfois non… Enfin rappelons que le temps de travail des enseignants du second degré a été évalué par la DEPP (ministère) en 2002 : il s'établit à 39h47 en moyenne par semaine.

De ces données il ressort quatre constats. Le premier c'est que les enseignants n'ont globalement pas à rougir. Le second c'est que quand un prof est absent c'est une gêne bien réelle pour les familles. La question mérite sans doute mieux qu'une campagne assez basse, des solutions concrètes. Or là-dessus les derniers chiffres du rapport de performances montre que les résultats de Xavier Darcos sont mauvais. Les économies ont touché également le volant de remplaçants et ce ne sont pas leçons de morale qui vont les ressusciter…

Le troisième constat c'est que les vrais chiffres existent. Ils ont servi à la Dgesco pour établir sa carte scolaire. On peut les compléter avec le suivi détaillé des absences maladies et maternité qui a été lancé en 2004 par le Comité d'hygiène et de sécurité du ministère. Qu'attend la Dgesco pour les publier ?

Le dernier constat interpelle directement le ministre. En 1999 Claude Allègre avait fait campagne sur l'absentéisme des enseignants en avançant, par une entourloupe, 12% d'absentéistes. Voilà ce thème revenu à la Une médiatique avec, encore mieux, un prof feignant sur deux. Ou ces chiffres viennent de la rue de Grenelle, ou ils sont bidons. Il appartient au ministre soit de les confirmer, soit de les démentir, soit d'accepter d'avoir précocement la popularité du ministre précédemment cité.

sources : café péda

Education : 220 000 euros par an pour surveiller l'opinion


Par Chloé Leprince | Rue89 | 09/11/2008

Le ministère veut renforcer la surveillance de ses fonctionnaires trop critiques. Témoignages de réfractaires à la base élèves.

Xavier Darcos, déjà très décrié pour ses saillies sur les couches à la maternelle et ses 11 900 suppressions de postes, ne pouvait pas mieux s'y prendre pour crisper davantage les enseignants : depuis quelques jours circule sur le Net un document officiel de huit pages intitulé « Cahier des clauses particulières - Objet : veille de l'opinion ».

Appel d'offre du ministère de l'Education nationale.Ce document, qui relève d'un appel d'offre, émane de la délégation à la Communication du ministère de l'Education nationale et date du 15 octobre, soit il y a trois semaines :

« Article 1 : Les présents marchés portent sur la veille de l'opinion dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. (…)

Article 4 : Chaque marché est conclu du 1er janvier 2009 jusqu'au 31 décembre 2009. »

C'est un peu plus loin que la volonté des ministères concernés apparait le plus explicitement (« description des prestations ») :

« Le dispositif de veille vise, en particulier sur Internet, à :

* identifier les thèmes stratégiques (pérennes, prévisibles, émergents)
* identifier et analyser les sources stratégiques ou structurant l'opinion
* repérer les leaders d'opinion, les lanceurs d'alerte, et analyser leur potentiel d'influence et leur capacité à se constituer en réseau
* décrypter les sources des débats et leur mode de propagation
* anticiper les risques de contagion et de crise.

En clair : le ministère de l'Education nationale va débourser 100 000 euros par an, et celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 120 000 euros, pour surveiller l'opinion dans la Toile.

Suit une liste des espaces à surveiller de plus près, blogs et sites participatifs notamment, auxquels s'ajoutent, selon les termes de l'appel d'offre, médias traditionnels, dépêches d'agences, baromètres et enquêtes annuelles.

Non, ce n'est pas un canular : sur le site du Journal officiel, on retrouve bien cet appel d'offre pour le marché public de la veille de l'opinion parmi les personnels de l'Education nationale.

Aussi spectaculaire soit-elle, cette volonté d'identifier les leaders de la contestation n'est pas nouvelle. C'est en tous cas ce dont témoignait samedi une vingtaine de directeurs d'école réfractaires, réunis à Paris pour une journée de travail sur le fichier base-élèves.

Dans le Lot, quarante réfractaires à la base élève en avril, quatre aujourd'hui

Au total, cette toute première journée de coordination nationale, qui réunissait une vingtaine de collectifs départementaux, a rassemblé 75 personnes, dont de nombreux parents d'élèves. Leur but : faire le point sur “le fichage des enfants”, notamment depuis le nouveau décret qui est venu modifier le contenu du fichier le 1er novembre dernier.

Mais aussi soutenir les directeurs d'écoles récalcitrants. Car le ministère met la pression sur ces derniers résistants au fichier, parfois quatre ans après le lancement de la base-élèves dans leur zone. Ils le disent d'ailleurs eux-mêmes, à l'instar de Jean :

« Entre une entrée en vigueur morcellée et le discours moderniste qui allait avec, le ministère a réussi à émietter la contestation. Le milieu enseignant a fini par entrer dedans honteusement. Dans le Lot, nous étions quarante directeurs d'école réfractaires en avril, dix en juillet, et seulement quatre aujourd'hui. Il était temps de monter au front nationalement alors que certains renonçaient parce qu'ils se sentaient lâchés. »

Jean, à trois ans de la retraite, enseigne depuis trente-trois ans et gagne 2600 euros net. Directeur depuis plus de vingt ans, il travaille dans de “très petites écoles” et est aujourd'hui à la tête d'une classe unique :

« Dans les petites écoles, on suit les enfants pendant cinq ans, on a une relation beaucoup moins administrative au terrain. Or la Base-élèves et le fichage des élèves, c'est la mise à mort d'un encadrement que le ministère juge trop humaniste. J'en fais une question de principe et accepter de ficher mes élèves, ce serait comme un reniement à la fin de ma carrière. »

Pression financière et menaces de fermetures de classes

Parce qu'il s'oppose, Jean y perd financièrement : pour faire taire la bronca contre le fichier base-élèves et ses scories (comme le numéro d'identifiant qui immatricule les enfants jusqu'à… 35 ans), la hiérarchie de l'Education nationale a décidé de sanctionner sur la fiche de paye.

Pour l'instant, le directeur d'école du Lot a eu deux retenues sur salaire, à raison d'un trentième du brut, soit environ 104 euros de moins à chaque fois. Une folie militante ?

« Avant cela, je n'avais jamais eu de conflit dur avec l'inspection d'académie, j'étais bien noté et j'avais acquis une certaine légitimité : on me fait venir à l'IUFM ! J'étais comme un dinosaure endormi, rangé des voitures en ce qui concerne le militantisme. Mais pour moi cette lutte-ci est encore plus fondamentale que toutes les autres, même celles pour les suppressions de postes. »

Mireille, elle, est à la retraite depuis l'été, mais a ferraillé contre la base-élèves pendant deux ans depuis le Vercors, où elle était directrice d'école. Elle raconte que, lors d'une réunion publique organisée dans un village par des parents, la hiérarchie académique lui a ordonné de se taire, en la menaçant de sanctions. Elle n'en a rien fait et a même déposé un recours devant le Conseil d'Etat, cosigné d'un parent d'élèves. L'audience devant le Conseil d'Etat aura lieu le 26 novembre.

“On immatricule des enfants de cinq ans pour les trente-cinq années suivantes ! ”

Mireille, contrairement aux autres, n'a jamais vu son salaire amputé mais raconte que certains directeurs d'école commencent à flancher. Ainsi, cette instit rennaise qui a renoncé à un poste de direction à force de pressions. Ou encore ce courrier de l'inspection d'académie du Lot, que Rue89 s'est procuré, qui menace les directeurs d'école de fermer des classes :

Les parents d'élèves prennent le relais

Les enseignants mobilisés l'assurent : l'avenir de la contestation contre le fichage est dans les mains des parents d'élèves. Samedi, Rue89 a rencontré deux mères et un père, qui avaient fait le déplacement à Paris depuis l'Ille-et-Vilaine et le Lot. Extraits :

Mathilde : “Ça fait quatre ans que base élèves existe en Ille-et-Vilaine. Que sont devenues les informations enregistrées avant que le décret ne vienne modifier les champs du fichier, comme par exemple la nationalité, le lieu de naissance ou la catégorie sociale ? Le ministère refuse d'apporter la preuve de la destruction de ces fichiers.”

Maryline : “L'Etat utilise l'obligation scolaire à partir de six ans pour ficher toute la population. Mais pourquoi ma fille de trois ans devrait-elle avoir un matricule et rendre des comptes à la société ? Parce que je le refusais, on m'a menacée de refuser d'inscrire ma fille.”

Philippe : “Les modalités ont été si différentes d'un département à l'autre voire d'un canton à l'autre, que ça a renforcé notre suspicion. Même s'ils ont supprimé des champs, ce fichier existe, et personne ne peut nous répondre sur ce qu'il va devenir.”

« Le premier constat des saisies des élèves fait apparaître une diminution de l'ordre de cinq cents élèves par rapport à l'an dernier. Je rappelle que le constat arrêté au niveau académique et national sur lequel s'appuiera le travail de préparation de rentrée, notamment pour les suppressions et créations d'emplois, est celui de la base élèves. »

Christophe, lui, promet de tenir bon. Directeur dans la Vienne, il avait pris contact avec Rue89 il y a plusieurs semaines mais hésitait à s'exprimer au grand jour (même s'il est syndiqué). Comme d'autres, il a subi des pressions. Par oral, on l'a menacé de sanctions de l'ordre d'une journée de salaire retenue par journée réfractaire. Sachant qu'il n'a pas flanché depuis la rentrée de septembre, la fronde commençait à peser cher : Christophe, six ans au compteur, gagne 1700 euros par mois.

Finalement,la pénalité sera la même que pour les autres : un trentième par lettre d'injonction. Sorti de l'anonymat, il espère mobiliser à nouveau :

« La base-élèves et le numéro d'immatriculation des enfants sont devenus des sujets tabous. Quand on en parle, on dirait que les collègues ne sont pas fiers, ils préfèrent regarder ailleurs. »

En écho, Jean, pour qui les menaces verbales se sont transformées en retenue d'un trentième par injonction écrite, s'interroge : “comment la profession a pu basculer là-dedans ? ”

En juin, Darcos a parlé à l'Assemblée de « fichier liberticide ». Depuis, ils disent qu'ils sont revenus en arrière en supprimant certains champs. Mais c'est un écran de fumée, car ce que nous avons fini par comprendre, c'est que c'est le numéro d'identifiant qui est le plus problématique. On immatricule des enfants de cinq ans pour les trente-cinq années suivantes ! »
Côté ministère, on espère faire taire la contestation en affirmant que des modifications ont bien été faites dans le fichier, après que le ministre avait reconnu certains écueils à l'ancienne mouture, le 13 juin dernier.

Photo : Nicolas Sarkozy en visite dans une école primaire de Distre en juin 2008 (Stephane Mahe/Reuters).

dimanche 31 mai 2009

Appel des syndicats de l'éducation contre les mesures de Sarkozy

PARIS (Reuters) - Plusieurs syndicats d'enseignants, lycéens et parents d'élèves ont signé samedi un appel à une autre politique de lutte contre la violence dans les établissements scolaires, deux jours après les annonces de Nicolas Sarkozy sur ce thème.

"Les établissements d'éducation doivent avant tout rester des lieux de confiance, d'apaisement et de sérénité", écrivent neuf syndicats dans cet appel commun rédigé à Saint-Etienne, à l'occasion du congrès national de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE).

"C'est une façon de répondre de manière unitaire à tout ce qui a été dit sur la sécurité dans l'école", a expliqué à Reuters Alix Nicolet, présidente de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (Fidl).

"Le ministre sait que la fouille des cartables est impossible à mettre en place et ne règlera rien; il sait que la création d'une brigade volante d'intervention n'a aucun sens; il sait que vouer aux gémonies les parents dits 'démissionnaires' n'est pas une solution", énumèrent les signataires de l'appel (Fidl, UNL, FCPE, Unsa Education, FERC-CGT, Snes, Unef, SGEN-CFDT, FSU).

"Rien ne peut remplacer les rapports humains, l'éducation, la prévention, toutes choses que les portiques et les caméras de vidéosurveillance ne sont pas en mesure d'apporter", affirment-ils.

Jeudi, Nicolas Sarkozy a annoncé plusieurs mesures à la suite d'une série d'incidents médiatisés dans les établissements scolaires. Les chefs d'établissement et leur personnel d'encadrement seront habilités à fouiller cartables et sacs des élèves à la recherche d'armes éventuelles et à la saisir.

Le chef de l'Etat a évoqué le développement de la vidéosurveillance dans les établissements scolaires et son ministre de l'Education nationale Xavier Darcos l'installation de portiques de détection.

"Les agressions de personnels de l'Education nationale sont inadmissibles. Les intrusions de bandes armées de battes de base-ball dans un établissement sont intolérables", peut-on lire dans l'appel syndical.

"Néanmoins, il ne s'agit pas des formes les plus fréquentes de violence perpétrées dans les écoles et les établissements scolaires. Les agressions commises avec arme contre les personnels de l'Education nationale sont heureusement rarissimes (10 cas recensés depuis 2007)."

Selon les auteurs du texte, la politique de l'éducation du Président depuis son élection a favorisé le développement de la violence à l'école.

"Par bien des aspects la politique suivie renforce les phénomènes de violence: désectorisation, suppressions de dizaines de milliers de postes d'enseignants et de personnels vie scolaire, déstabilisation des équipes, dégradation des conditions de travail et d'étude, insuffisance du dialogue avec les parents..."

Clément Guillou, édité par Mathilde Gardin, le Monde.fr

vendredi 29 mai 2009

M. Sarkozy veut "sanctuariser les établissements scolaires"

LE MONDE | 28.05.09

"Nous devons sanctuariser les établissements scolaires." Après avoir énuméré les incidents des dernières semaines, Nicolas Sarkozy a annoncé, jeudi 28 mai, en fin de matinée à l'Elysée, une série de mesures, qui reprennent les propositions du ministre de l'éducation Xavier Darcos, à l'exception des sanctions financières infligées aux parents.

"J'entends les bonnes consciences qui crient au scandale quand le ministre de l'éducation nationale propose d'installer des portiques de sécurité à l'entrée des établissements. Bien sûr qu'il est regrettable d'en arriver là. Mais comment agir autrement dans un tel contexte. Attendre que l'irréparable se produise ?", a déclaré M. Sarkozy, citant les 17 morts de Winnenden en Allemagne en mars.

184 établissements parmi les plus sensibles vont faire l'objet d'un "diagnostic de sécurité à l'issue duquel seront adoptées toutes les mesures nécessaires", qu'il s'agisse de l'installation de portiques ou de mesures de vidéo-surveillance. L'idée est de faire du cas par cas.

M. Sarkozy estime que "les personnels de direction et d'encadrement [des établissements scolaires] devront à l'avenir disposer des moyens de s'assurer que les élèves ne transportent pas d'armes. A cette fin, ils recevront une habilitation spécifique qui leur permettra de faire ouvrir les cartables et les sacs". La fouille des cartables nécessite selon les juristes une modification de la loi.

S'y ajoute le durcissement de la répression : l'intrusion dans un établissement scolaire ne sera plus une infraction, mais un délit. Les violences contre un agent de l'éducation nationale constitueront à l'avenir des circonstances aggravantes, également lorsqu'elles se produisent à l'extérieur de l'établissement. Enfin, les établissements scolaires sont invités à avoir un "policier référent" dans le commissariat voisin.

CRITIQUES POUR "MAM"

Ce plan s'inscrit dans un plan de lutte global, contre l'insécurité, alors que la délinquance repart à la hausse. M. Sarkozy, qui a assis son crédit politique sur la lutte contre la délinquance, se livre à une critique à peine voilée des résultats obtenus par sa ministre de l'intérieur Michèle Alliot-Marie : "Il faut tout autant dire la vérité quand surviennent des évolutions moins favorables. Les résultats de ces derniers mois contrastent avec l'évolution observée depuis sept ans."

Les crimes et délit ont augmenté de près de 4 % en mars, d'un peu plus de 2 % en avril. "Les chiffres de mai ne seront sans doute pas très bons", a affirmé M. Sarkozy qui estime que "la priorité, aujourd'hui, c'est la reconquête des quartiers sensibles".

Le chef de l'Etat veut se concentrer sur vingt-cinq quartiers, dont vingt-et-un en région parisienne, qui sont "rongés par la délinquance, le trafic de drogue et le trafic d'armes". "Aucune rue, aucune cave, aucune cage d'escalier ne doit être abandonnée aux voyous. Je veux que se multiplient immédiatement les opérations coups de poings".

M. Sarkozy propose la création d'une police d'agglomération, d'abord en région parisienne. Le préfet de police de Paris aura la responsabilité de la sécurité de la capitale mais aussi la petite couronne. Il demande à ce que 200 fonctionnaires de police en plus soient affectés en Seine-Saint- Denis.

M. Sarkozy demande la constitution d'un groupe de travail pour lutter contre le trafic d'armes. Il veut que tous les services de l'Etat marchent mais dans la main, y compris le fisc et les douanes. Pour le chef de l'Etat, "il n'y a pas à mes yeux de secret professionnel qui tienne, entre services de l'Etat, lorsque la sécurité des Français ou celle de l'Etat est en jeu". Il demande l'accélération du rapprochement police-gendarmerie. "J'ai voulu cette réforme et j'entends qu'elle soit menée à son terme, Madame la ministre, dans les plus brefs délais." Michèle Alliot-Marie est prévenue.

Violences scolaires : "Il faut stabiliser les équipes"

"L'école doit être sanctuarisée", a réaffirmé, mercredi 27 mai, Xavier Darcos, qui recevait, "dans le cadre de la lutte contre l'introduction d'armes dans les établissements", les représentants des fédérations de parents d'élèves, des collectivités locales et ceux des chefs d'établissement. A cette occasion, le ministre de l'éducation a repris l'ensemble de ses propositions formulées depuis l'agression au couteau, le 15 mai, d'une enseignante par un collégien de 13 ans au collège François-Mitterrand de Fenouillet (Haute-Garonne).

M. Darcos prône notamment l'installation de portiques de détection de métaux à l'entrée de certains établissements, la création auprès des recteurs d'une "force mobile d'agents assermentés" et la possibilité juridique pour les personnels de fouiller les sacs des élèves. Ces propositions ont déclenché un tollé dans le monde enseignant, et des prises de position critiques de la part de la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, et du haut-commissaire aux solidarités actives et à la jeunesse, Martin Hirsch.

Eric Debarbieux, professeur à l'université de Bordeaux-II et directeur de l'Observatoire international de la violence à l'école, répond à nos questions.

La violence en milieu scolaire est-elle en augmentation en France ?

La tendance, depuis une dizaine d'années, est qu'il n'y a pas d'augmentation globale de la violence à l'école, mais une augmentation inégale, statistiquement concentrée sur les lieux d'exclusion sociale. L'essentiel consiste en "petites" violences répétées, qui ne font pas l'actualité mais sapent le moral de tous. On constate aussi, parmi l'ensemble des faits de violence, une forte augmentation de ceux visant les adultes.

Depuis plusieurs années, dans nos propres enquêtes dans les établissements "sensibles", cette dégradation de la relation aux adultes est patente. Les statistiques 2005-2006 du ministère de l'éducation, les dernières issues de plusieurs années d'utilisation d'un même outil de signalement, faisaient état d'une augmentation de 7% en un an des incidents touchant les enseignants, et de 25 % depuis 2003 des incidents touchant les personnels de surveillance et les conseillers principaux d'éducation (CPE).

Quand M. Darcos a suggéré de mettre en place des portiques détecteurs de métaux dans certains établissements, M Hirsch a dit qu'il était contre "transformer les écoles en aéroports". Certains se moquent de ce genre de proposition…

S'en moquer ? Certainement pas. Préférerait-on l'immobilisme ? Mais il est vrai qu'en France, sous le coup d'un certain affolement, des "solutions" comme la vidéosurveillance ou des détecteurs sont réclamées à cor et à cri. La moindre des précautions avant de les adopter serait d'examiner leur efficacité. L'effet des détecteurs à l'entrée des établissements a été évalué, entre autres, par une enquête du FBI. Contrairement à la légende, ces détecteurs ne sont présents que dans moins de 1 % des écoles américaines (d'après le rapport annuel "Indicators on Crime Safety" en 2006). Les effets pervers en sont bien connus : ressentiment montant des élèves, sentiment de mépris, éventuellement renforcé par la fouille des cartables, et, finalement, augmentation de la violence antiscolaire !

M. Darcos a aussi suggéré la création d'une "force mobile" intervenant "sur des missions de prévention et de contrôle" et pouvant opérer des fouilles d'élèves…

Les fouilles systématiques sont un des moyens les plus sûrs d'augmenter la violence. Quant à l'intervention ou la présence d'une "force", de nature policière ou non, tout dépend de son style. Si c'est, par exemple, une vraie police de voisinage, en lien avec les établissements, les habitants, les jeunes eux-mêmes, alors oui, il y a des expériences très concluantes, comme à Toronto, au Canada.

Chaque gouvernement, après un fait dramatique, annonce son plan contre la violence à l'école. M. Darcos parle aujourd'hui de "sanctuariser l'école"…

Quoi de nouveau ? Gilles de Robien, le précédent ministre, en parlait en 2006… comme l'avait fait François Bayrou en 1993. Cette notion se fonde sur une fausse évidence : la violence viendrait de l'extérieur. D'où une logique de clôture de l'espace scolaire. Pourtant, qu'on le veuille ou non, la relation pédagogique – un mot devenu imprononçable en France – est au cœur du problème ! Par ailleurs, l'importance de la stabilité des équipes pour la protection des élèves et des personnels est une constante dans la recherche internationale. Or, notre système de recrutement des personnels de l'enseignement secondaire est une catastrophe. Elle se traduit par l'envoi en masse de jeunes débutants, non ou peu formés, dans des établissements sensibles dont ils n'ont qu'une idée : en partir. La manière dont est cogérée la nomination de nos enseignants est insensée. J'avoue en avoir assez de le répéter.

Enfin, la formation à la gestion du stress, à la dynamique de groupe, à la prise de parole, au travail en équipe doit accompagner, à égale dignité, leur formation disciplinaire. Mais en France le débat est tellement masqué par l'idéologie que les avancées sont fort lentes, comme si la lutte contre la violence à l'école devait être "de droite" ou "de gauche". Il est triste qu'elle soit un enjeu électoral.
Propos recueillis par Luc Cédelle, Le Monde