samedi 24 janvier 2009

En primaire, la défiance à l'égard du gouvernement s'amplifie

AFP Emmanuel DEFOULOY

Après les nouveaux programmes, la réorganisation de la semaine et les suppressions de postes, les évaluations cette semaine en CM2 ont encore accru la défiance des enseignants du primaire à l'égard du gouvernement, un historien estimant qu'un "point de non-retour" a été franchi.

Refus de centaines de maîtres d'organiser l'aide personnalisée, désobéissance pour ne pas organiser les évaluations en CM2, occupations d'écoles par des parents, grève prévue le 29 janvier après celle du 20 novembre qui avait réuni au moins un maître sur deux: le mécontentement prend des formes multiples.

"Dans le primaire, qui se mobilise toujours davantage que le secondaire, un point de non-retour a été franchi. Le ministre de l'Education nationale a multiplié les erreurs", a déclaré au Monde daté de jeudi l'historien de l'éducation Claude Lelièvre.

"Les instituteurs qui signent des lettres individuelles pour affirmer qu'ils n'appliqueront ni les programmes ni l'aide individualisé e sont plus de mille aujourd'hui. .. Et ce ne sont pas automatiquement des gauchistes!" , a-t-il dit.

En Seine-Saint- Denis, ce sont "2.500 instituteurs sur les 10.000" du département qui refusent d'assurer les deux heures hebdomadaires d'aide, a fait savoir mercredi une intersyndicale à l'inspection d'académie du 93.

A Paris, ils sont environ 600 dans ce cas, dont 280 en ont fait part dans des lettres individuelles, selon une intersyndicale parisienne.

"A supposer que ce soit vrai, ces 280 enseignants constituent une faible minorité des 7.075 enseignants devant élèves à Paris. Il y a un foyer de crispation circonscrit au XXème arrondissement, mais globalement à Paris l'aide personnalisée se met en place", a réagi à l'AFP l'inspecteur d'académie chargé du primaire à Paris, Edouard Rosselet.

Motifs du refus pour les enseignants: l'aide a des horaires souvent "inadaptés" au soutien des élèves les plus faibles et elle est considérée comme un prétexte pour supprimer des postes de maîtres spécialisés contre l'échec scolaire ("Rased").

Alain Refalo, instituteur de la banlieue de Toulouse qui a été le premier à revendiquer la "désobéissance pédagogique" à ce sujet, s'est vu signifier un retrait de salaire de deux journées par semaine à compter du 5 janvier, a-t-on appris mercredi auprès d'un réseau d'enseignants hostiles à la réforme.

Le même jour, cette fois sur les évaluations en CM2, un directeur d'école à Peron dans l'Ain, Pierre Devesa, adressait au ministère une lettre ouverte de désobéissance.

"Je ne souhaite pas collaborer à une vaste entreprise de fragilisation et de dépréciation de l'école", a-t-il écrit, estimant notamment que les tests étaient trop difficiles et mal conçus.

Les principaux syndicats du primaire jugent que ces évaluations sont organisées trop tôt dans l'année et qu'elles ne donneront pas une image réelle des acquis des élèves. Au-delà, ils craignent une mise en concurrence des écoles et une utilisation des résultats pour déprécier le travail des maîtres.

Le ministre Xavier Darcos a fait des concessions sur les "Rased" ou sur le service minimum d'accueil (SMA) en primaire en cas de grève, mais les syndicats dénoncent toujours les suppressions de postes prévues pour 2009.

Selon le SNUipp, premier syndicat, les effectifs augmenteront à la rentrée 2009 de 14.000 élèves, mais 1.500 postes de "Rased" vont être supprimés et 3.000 postes en moins seront ouverts aux concours de recrutement de maîtres (15.600 contre 18.600 en 2008).

La malaise est tel que, "à l'égard des enseignants du primaire, seul un nouveau ministre peut permettre une réconciliation" , estime M. Lelièvre.

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