mercredi 14 janvier 2009

Hirsch, Descoings et la Jeunesse : histoire d’egos

Par Sébastien Ledoux | Enseignant et chercheur | 13/01/2009 | 17H
rue 89

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, vient à nouveau d’actionner la machine à lubrifier les egos pour sortir le gouvernement d’une impasse face au "malaise des jeunes". Après Bernard Kouchner, Rama Yade, Fadela Amara, Eric Besson, la soif de reconnaissance reste un levier assez puissant pour inciter des personnes à jouer les pompiers leurrés.

A l’égard de l’opinion publique, la nomination de Martin Hirsh et de Richard Descoings, le premier à la Jeunesse, le second pour la réforme des lycées, vise avant tout à rassurer les familles des classes moyennes de sensibilité de gauche, qui donnent du crédit politique à ces deux personnalités.

Commission n'est pas concertation

Les interlocuteurs ont changé, mais les termes aussi. Fini les petites phrases méprisantes d’un Xavier Darcos sur les rituels lycéens. Les nouveaux mots d’ordre "communicationnels" de la majorité sur les plateaux de télévision ou sur les ondes radiophoniques sont désormais "concertation", "temps d’écoute", "malaise des jeunes". Une nouvelle fois, le président de la République s’installe dans la peau du sauveur, lui qui avait demandé à son ministre de l’Education d’imposer des réductions d’effectifs sans précédent et de tenir le cap.

Ce changement d’orientation est-il une bonne nouvelle pour l’éducation en général et les élèves en particulier ?

Signalons tout d’abord que le principe d’une commission n’a pas pour effet automatique la mise en place d’une concertation, comme nous le démontre la réforme de l’audiovisuel et la commission Copé. Au passage, l’application d’un article de loi (suppression de la publicité après 20 heures) alors que celle-ci n’a pas encore été votée -fait sans précédent dans l’histoire de la Ve République- révèle un grave déficit démocratique de notre société qui n’a pas provoqué beaucoup de réactions en dehors des bancs des sénateurs.

D’autre part, l’arrêt des suppressions de postes dans l’enseignement, principale revendication du mouvement lycéen et enseignant, n’a pas été satisfaite. Richard Decoings, dans son nouvel habit, a beau jeu de claironner que la réforme du lycée se fera sans suppressions de poste, celles-ci continueront au collège et à l’école primaire.

L’école primaire, grande oubliée de ce virage stratégique

Les décisions prises par Darcos concernant les Rased et la suppression des cours le samedi matin ont été des coups sévères portés aux chances de réussite des élèves et c’est dans ce contexte que les deux nouvelles figures de la « modernité politique ». En cela, l’école primaire, maillon essentiel de la politique éducative, est la grande oubliée de ce virage stratégique.

En réalité, la peur d’une dérive "à la grecque" de la jeunesse française a obligé Nicolas Sarkozy a réagir en piochant dans son carnet d’adresses quelques noms bien sentis. Cela ne tient pas lieu de politique de l’éducation à l’heure où les réformes sont nécessaires tant les inégalités scolaires sont criantes.

Tout ceci ne serait pas très grave si ces tours de passe-passe n’affectaient pas le politique dans son ensemble. Or, la nomination de Richard Descoings est aussi une aberration politique. Celui qui a initié un partenariat entre Sciences-Po et des lycées ZEP pour lutter en faveur de l’égalité des chances travaille dorénavant pour un gouvernement qui a, en supprimant la carte scolaire, aggravé les inégalités scolaires, comme l'a démontré un rapport d’inspecteurs de l’Education nationale il y a quelques mois.

Les stratégies politiques à court terme ne sont pas seulement inefficaces, elles alimentent la confusion démocratique.

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