jeudi 8 janvier 2009

refus des palmes académiques, exemplaire

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Par votre courrier du 30 octobre 2008, j’ai appris ma nomination au grade de Chevalier des Palmes Académiques et je vous en remercie.
Il semblerait que cette promotion soit due à mon engagement pour la mission de service public d’éducation, en tant que directeur d’une petite école rurale, mais également pour mon action militante, au-delà du temps scolaire, dans les associations complémentaires de l’Education Nationale et le Mouvement Freinet.
Mes actions ont toujours été guidées par des principes d’égalité (il n’y a qu’une éducation, elle s’adresse à tous et est de tous les instants), de solidarité (condition indispensable à un minimum d’harmonie sociale), de laïcité (condition de la liberté de jugement et de conscience).
Au cours de ma carrière d’enseignant, j’ai essayé modestement, de construire une pédagogie centrée sur l’enfant, basée sur l’entraide et la coopération, qui cherche à donner du sens au travail, prend en compte la diversité des élèves et les invite à agir pour apprendre.
J’en conclus que cet engagement avait quelque chose de méritoire puisqu’il me vaut la reconnaissance de l’Administration de l’Education Nationale. En d’autres temps, cette nomination aurait représenté pour moi un grand honneur et une grande fierté.

Mais voilà que depuis quelques mois, cette même administration me demande d’appliquer une politique éducative allant totalement à l’encontre des convictions qui m’ont animé jusqu’à présent :
- Les nouveaux programmes, mis en œuvre dans un temps resserré, ne profitent qu’à une minorité d’élèves que l’on pousse vers l’élitisme.
- La culture du résultat et le concept de performance, appliqués à l’éducation, avec la mise en concurrence des établissements et des individus (projet de suppression de la carte scolaire, évaluations devant être rendues publiques…), profiteront certes à une minorité, mais lorsqu’il y a des gagnants, il y a aussi des perdants.
- Le traitement de la difficulté scolaire n’est plus que l’arbre qui cache la forêt. Il est amputé de ses moyens les plus efficients, basé sur le volontariat des parents, repoussé hors temps scolaire et progressivement vers la sphère privée, lieu de toutes les inégalités.
- Les associations complémentaires de l’éducation, qui m’ont tant appris, sont étranglées financièrement.
- Je ne fais guère d’illusion sur l’évolution du statut d’enseignant dont la remise en question est déjà en chantier.

…/…

- La Révision Générale des Politiques Publiques n’a d’autre objectif que la déconstruction progressive de l’Ecole Publique Française, en la rendant moins attractive, alors que se prépare la montée en puissance d’un service commercial d’éducation.

Je ne puis me résoudre à pratiquer ce grand écart. Les palmes académiques deviennent ainsi pour moi, le symbole du renoncement aux valeurs auxquelles j’ai toujours cru. Je préfère de ce fait décliner l’honneur qui m’est fait. Je vous informe que je ne serai pas présent à la cérémonie de remise des médailles prévue le 14 janvier 2009, à l’Inspection Académique.

Veuillez croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, en mon plus profond attachement au service public d’éducation.

Jean-Paul WALTER

2 commentaires:

sylman a dit…

Lorsque l’on m’a proposé les palmes académiques pour la première fois, j’étais encore en fonction et déjà en colère, j’ai refusé.
Un an après mon départ en retraite, j’ai reçu la même proposition, deux en fait, l’une émanant de l’Education Nationale et l’autre de la Mairie de la commune où j’exerçais depuis 30 ans.
Cette dernière m’a particulièrement touché car elle était portée par cette communauté que nous avion,s créée, année après année, autour de l’école dans notre quartier. C’est vrai que depuis 1971, nous en avions parcouru du chemin ensemble et que grâce à cette énergie, bien des problèmes avaient été résolus, bien des intégrations avaient pu se réaliser, bien de très pénibles moments pour les uns et les autres avaient pu être, non pas effacés, mais surmontés.
J’ai accepté et j’ai eu le bonheur de recevoir mes palmes académiques des mains d’une collègue retraitée, dont toute la carrière avait été l’illustration du service pour l’enfant et sa famille, dans et autour de l’Ecole. Elle me fut remise dans cette communauté devenue Amicale qui aujourd’hui encore, en janvier 2011, fait preuve d’une belle vitalité. Dire que ce plus émouvant que la présence de mes premiers élèves – (classe de perfectionnement professionnel en 1962) parmi mes derniers élèves, (CM1) serait exagéré mais j’ai accordé autant d’importance à cette décoration officielle qu’à celle, officieuse, crée par cette belle assemblée.
Je n’ai jamais cessé de me manifester, jusqu’à romancer mes souvenirs et mes espoirs, sans rejoindre de groupes institutionnels mais en admirant ceux qui se battent de toutes leurs convictions.
Servir chaque fois que je le peux reste, à ma dimension, celle d’un village, ma façon de vivre encore et je suis fier de voir que mes enfants suivent cette voie.
Pourtant, à la lumière de ceux que leurs Palmes grattent, je sens les miennes me brûler….
Notre Ecole se brise, il y a peu de jours sans qu’une initiative officielle ne la sape encore plus.
Il n’y a, à ma connaissance, aucune vraie perspective de reconstruction : une école avec son équipe bien cohérente – son projet lucide et adapté à sa population –des enseignants et des aides bien préparés à leurs tâches – bien accueillis et bien accompagnés - une direction efficace – des ressources en fonction des besoins et non au hasard des localisations - une réflexion véritable et concrétisée sur l’osmose espace et temps…
Je crois en la mission de notre Ecole, donner toutes leurs chances à tous les enfants donc donner une chance à l’avenir mais je crois surtout en ces maîtres, à tous les postes, véritables pivots de notre Education Nationale. Le manque de considération pour les initiatives les plus heureuses, elles sont nombreuses mais aléatoires sans reconnaissance, le découragement des jeunes et des moins jeunes sont des marques profondes de mépris.
Dans mes écrits, utopiques me dit-on, rêve à la recherche d’une volonté, dirait Eric Orsenna, mon personnage de base, se livre en autodafé pour que s’éveille l’attention et renaisse l’Ecole.
A cette vision romanesque, je préfèrerai le grand mouvement de ceux qui ont été fiers, au nom de leur vocation prouvée, de recevoir cette distinction (hélas non accordée à bien d’autres aussi méritants).
Comment peut-on lancer un tel mouvement ? Je n’ai ni l’envie ni le pouvoir de le générer, j’aimerai seulement, qu’en dehors de toutes récupérations, soit ouverte un appel auquel tous ceux qui le voudront pourront s’associer.
En tout anonymat, jusqu’à ce que je rejoigne la liste de ces manifestants des Palmes Académiques si elles se constituent.

sylman a dit…

Lorsque l’on m’a proposé les palmes académiques pour la première fois, j’étais encore en fonction et déjà en colère, j’ai refusé.
Un an après mon départ en retraite, j’ai reçu la même proposition, deux en fait, l’une émanant de l’Education Nationale et l’autre de la Mairie de la commune où j’exerçais depuis 30 ans.
Cette dernière m’a particulièrement touché car elle était portée par cette communauté que nous avion,s créée, année après année, autour de l’école dans notre quartier. C’est vrai que depuis 1971, nous en avions parcouru du chemin ensemble et que grâce à cette énergie, bien des problèmes avaient été résolus, bien des intégrations avaient pu se réaliser, bien de très pénibles moments pour les uns et les autres avaient pu être, non pas effacés, mais surmontés.
J’ai accepté et j’ai eu le bonheur de recevoir mes palmes académiques des mains d’une collègue retraitée, dont toute la carrière avait été l’illustration du service pour l’enfant et sa famille, dans et autour de l’Ecole. Elle me fut remise dans cette communauté devenue Amicale qui aujourd’hui encore, en janvier 2011, fait preuve d’une belle vitalité. Dire que ce plus émouvant que la présence de mes premiers élèves – (classe de perfectionnement professionnel en 1962) parmi mes derniers élèves, (CM1) serait exagéré mais j’ai accordé autant d’importance à cette décoration officielle qu’à celle, officieuse, crée par cette belle assemblée.
Je n’ai jamais cessé de me manifester, jusqu’à romancer mes souvenirs et mes espoirs, sans rejoindre de groupes institutionnels mais en admirant ceux qui se battent de toutes leurs convictions.
Servir chaque fois que je le peux reste, à ma dimension, celle d’un village, ma façon de vivre encore et je suis fier de voir que mes enfants suivent cette voie.
Pourtant, à la lumière de ceux que leurs Palmes grattent, je sens les miennes me brûler….
Notre Ecole se brise, il y a peu de jours sans qu’une initiative officielle ne la sape encore plus.
Il n’y a, à ma connaissance, aucune vraie perspective de reconstruction : une école avec son équipe bien cohérente – son projet lucide et adapté à sa population –des enseignants et des aides bien préparés à leurs tâches – bien accueillis et bien accompagnés - une direction efficace – des ressources en fonction des besoins et non au hasard des localisations - une réflexion véritable et concrétisée sur l’osmose espace et temps…
Je crois en la mission de notre Ecole, donner toutes leurs chances à tous les enfants donc donner une chance à l’avenir mais je crois surtout en ces maîtres, à tous les postes, véritables pivots de notre Education Nationale. Le manque de considération pour les initiatives les plus heureuses, elles sont nombreuses mais aléatoires sans reconnaissance, le découragement des jeunes et des moins jeunes sont des marques profondes de mépris.
Dans mes écrits, utopiques me dit-on, rêve à la recherche d’une volonté, dirait Eric Orsenna, mon personnage de base, se livre en autodafé pour que s’éveille l’attention et renaisse l’Ecole.
A cette vision romanesque, je préfèrerai le grand mouvement de ceux qui ont été fiers, au nom de leur vocation prouvée, de recevoir cette distinction (hélas non accordée à bien d’autres aussi méritants).
Comment peut-on lancer un tel mouvement ? Je n’ai ni l’envie ni le pouvoir de le générer, j’aimerai seulement, qu’en dehors de toutes récupérations, soit ouverte un appel auquel tous ceux qui le voudront pourront s’associer.
En tout anonymat, jusqu’à ce que je rejoigne la liste de ces manifestants des Palmes Académiques si elles se constituent.