mercredi 4 février 2009

Ecole . Face à la désobéissance pédagogique, l’État en appelle… aux gendarmes !

Sommes-nous encore en démocratie ou sommes-nous entrés dans le
fascisme?

Pendant une semaine, entre le 19 et le 23 janvier, l’éducation
nationale a procédé aux évaluations de niveau des classes de CM2.
Pour le ministre Xavier Darcos, « les évaluations objectives,
régulières, transparentes » ont un but : « disposer d’indicateurs
fiables des acquis des élèves pour mieux piloter le système éducatif
». Mais l’obsession de l’évaluation rencontre de nombreuses
réticences, voire une farouche opposition de tous côtés :
instituteurs et directeurs d’école mais aussi parents d’élèves et
élus locaux. Sur le principe, que les enfants soient évalués n’est
pas en soi contesté. Les inquiétudes concernent en fait le contenu et
les objectifs de ces évaluations. Pourquoi sont-elles d’un niveau
trop élevé et pourquoi tester les élèves en janvier sur des
connaissances qu’ils n’auront acquises et assimilées qu’à la fin de
l’année scolaire ? À terme, la crainte est de voir se profiler une
concurrence entre établissements scolaires et une remise en question
de la liberté pédagogique.

Dans une lettre de désobéissance adressée au ministre de l’Éducation
nationale, un directeur d’école de l’Ain, Pierre Devesa, explique son
« indignation sincère » : « De quel cerveau surchauffé a pu sortir
l’idée de soumettre à des élèves de CM2 un texte d’Hemingway et un de
Maupassant, qui ne sont pas précisément des auteurs de littérature de
jeunesse ? Le premier paragraphe de l’exercice 1, où un enfant malade
se verra administrer une ampoule en guise de remède, est révélateur.
Une ampoule ? Pour des élèves de 2009, l’utilisation de ce médicament
n’est pas lumineuse. » Et de poursuivre : « Je ne souhaite pas
collaborer à une vaste entreprise de fragilisation et de dépréciation
de l’école (…). Nous étions des passeurs, des guides, et nous
devenons des trieurs, des contrôleurs. » Comme lui, nombreux sont les
professeurs et parents d’élèves à avoir empêché la bonne tenue des
épreuves. Seule la méthode varie. À Toulouse et dans le sud de la
Haute-Garonne, huit écoles ont été occupées et bloquées vendredi par
des parents d’élèves pour ne pas diffuser les évaluations aux élèves
de CM2. D’autres, comme à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise), se sont
rendus en classe avec les élèves pour confisquer les carnets
d’évaluations distribués par les instituteurs.

Dans l’Hérault, la mobilisation a été aussi forte que… supervisée.
Dans une dizaine d’écoles, dont celles de Loupian et de Saint-André-
de-Sangonis, les gendarmes ont téléphoné aux directeurs
d’établissement pour s’assurer du bon déroulement des évaluations.
Une seule école aurait reçu leur visite directe. Selon Joël Vézinhet,
secrétaire du syndicat SNUipp 34, l’inspecteur d’académie lui a
assuré n’avoir donné aucun ordre aux gendarmes : « Il semblerait
certaines gendarmeries font du zèle… Ça fait quelques mois que l’on
voit des gendarmeries appeler des écoles. » Lors d’une réunion tenue
vendredi 16 janvier à Gignac, l’inspectrice de la circonscription
avait convié maîtres du CM2 et directeurs d’école à récupérer les
livrets d’évaluation. Parents d’élèves et élus s’étaient invités. La
réponse de l’inspecteur d’académie : l’envoi de huit gendarmes.
Gérard Cabello, maire communiste de Montarnaud, présent lors de cette
manifestation, a déjà reçu trois visites des gendarmes en deux mois.
« La première, c’était avant les vacances de Noël. Ils sont
intervenus car les parents d’élèves avaient apposé une banderole sur
les grilles de l’école. Les deuxième et troisième fois, ils sont
venus début janvier, le matin et le soir, pour enlever une banderole
« Sauvons les RASED » et « Non à la fermeture d’une classe ». Je les
ai interpellés pour leur dire que j’aurais été ravi de les voir
plutôt sur des missions de sécurité. Par la suite, j’ai eu la
confirmation qu’ils étaient en mission de renseignement. »

Ixchel Delaporte ( l'humanité )

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