mercredi 25 février 2009

A table, Sarkozy refait l'école avec les nostalgiques de l'autorité

Par Bernard Girard | Enseignant blogueur | 24/02/2009 | 16H31

Lundi midi, Sarkozy a reçu à déjeuner 11 enseignants du primaire et du secondaire, officiellement chargés d’éclairer sa lanterne sur les questions éducatives. Selon Darcos, ces enseignants ont été sélectionnés en "en fonction d’une certaine notoriété", apprend-on dans une dépêche de l'AEF du 23 février.

Effectivement, mais quelle notoriété! Dans la liste, on constate que la grosse majorité des participants se sont signalés par la publication, au cours des dernières années, de violents pamphlets, caricaturant l’état de l’école et en appelant au rétablissement d’un ordre scolaire fantasmé, celui du passé.

Parmi les invités aux agapes de Sarkozy, on relève ainsi les noms de Rachel Boutonnet, l’égérie des bonnes vieilles méthodes et des coups de règle sur les doigts, membre d’un groupuscule ultra-réactionnaire, auteure de "Pourquoi et comment j’enseigne le b.a-ba" (2003) et du "Journal d’une institutrice clandestine" (2005), nullement gênée de voir comment sa supposée clandestinité a pu la conduire sous les ors de l’Elysée.
Des auteurs qui déclinent jusqu'à plus soif le thème du "rien ne va plus"

On y voit aussi Sébastien Clerc, auteur, quant à lui, de "Au secours! Sauvons notre école", responsable autoproclamé de la formation des profs dans l’académie de Créteil et créateur de ces inénarrables stages de "tenue de classe" où l’on apprend aux jeunes profs à afficher une mine "relativement inquiétante" (sic) devant les élèves ou à "théâtraliser leur cours".

Ce même Clerc, manifestement très à l’aise au cours du repas qu’il qualifie de "chaleureux", aux côtés d’un chef de l’Etat qui "s’est montré très attentif".

Il y avait encore Mara Goyet, auteur de "Tombeau pour le collège", Cécile Ladjali, agrégée, co-auteure de "Eloge de la transmission: du maître à l’élève" (2003), Iannis Roder, également agrégé, auteur de "Tableau noir -La défaite de l’école" (2008).

Ces ouvrages ont tous pour point commun, outre leur caractère interchangeable -quand on en a lu un, on les a tous lus- de décliner jusqu’à plus soif le thème de "la baisse de niveau", que seul le rétablissement de l’"autorité" permettrait de juguler. Sophie Audoubert, plus lucide et courageuse avec son "Don Quichotte en banlieue, Les combats d’une enseignante" (2008), a dû se sentir bien seule.

Mais après tout, pourquoi s’est-elle sentie obligée de se rendre à ce qui reste avant tout à une opération de communication politique typiquement sarkozienne?
Toujours cette volonté de contourner syndicats et mouvements pédagogiques

Avec ce déjeuner à l’Elysée on retrouve ce mélange d’amateurisme, de copinage et de provocation caractéristiques de la politique éducative du gouvernement. Avec toujours, cette volonté de contourner non seulement les syndicats mais aussi les mouvements pédagogiques et l’ensemble des organisations professionnelles au profit d’une consultation de façade, caricaturale, avec des partenaires choisis dans l’ombre, ne représentant qu’eux-mêmes et dénués de toute représentativité.

"Ils cherchent d’autres interlocuteurs que les syndicats", confesse benoîtement Boutonnet, amalgamant dans une même entité -"les syndicats"- les opinions et les propositions les plus diverses.

Si le gouvernement cherche effectivement "d’autres interlocuteurs que les syndicats", il pourrait également se tourner vers la myriade de professionnels, enseignants, éducateurs, pédagogues, chercheurs, parents qui tous, à des titres divers, réfléchissent et travaillent à l’avenir de l’école et qu’il persiste avec obstination à ignorer.

A l’issue de cette journée, Darcos a tenu à préciser qu'il comptait poursuivre ces rencontres avec ce même groupe pour "faire la synthèse de ce qu'ils disent et en tenir compte". Malgré les récentes reculades du gouvernement devant les enseignants-chercheurs, on voit bien que le gouvernement n’arrive pas à se départir d’un mépris viscéral pour les acteurs de l’éducation et, plus largement, pour l’ensemble du corps social et de ses représentants.

sources : rue 89

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