mardi 17 février 2009

la disparition des titulaires bien formés

Derrière la réforme des concours de l'enseignement (la masterisation) surgit, comme vous le savez, un problème extrêmement grave, qui lui est intimement lié, et que nous ne faisons qu'effleurer en considérant la situation des "reçus-collés" : toutes les "réformes" en cours visent de fait la disparition des titulaires bien formés, à tous les étages, de la maternelle à l'université.
Vous trouverez confirmation de cette politique parfaitement assumée, sur le site du rectorat de Versailles, site qui avoue ouvertement recruter "toute l'année" des "enseignants non titulaires" dans toutes nos disciplines, au moment même où le nombre de postes au concours fond dramatiquement, et où l'on supprime des postes de titulaires, au prétexte qu'il y aurait trop d'enseignants en France (13500 cette année, etc.): http://www.ac- versailles. fr/rh/nontitulai res.htm

Divers collègues de Nanterre ont été contactés le mois dernier par les "ressources humaines" du rectorat pour inciter leurs étudiants "bac + 3" à postuler, "en urgence". Je viens d'apprendre que la même chose a eu lieu dans l'Académie d'Orléans. Oseront-ils bientôt nous proposer des "primes" pour cela aussi, afin de nous faire passer du statut de juré de concours à celui de sergent recruteur ?

- Pour devenir prof de collège, aujourd'hui, il suffit donc d'être "étudiant bac +3". Il est simplement demandé d'avoir un casier judiciaire vierge. Il y a plus de postes que de candidats.
- Le salaire est de 34,5 euros bruts par heure de cours effective devant les élèves (soit environ 8 euros bruts de l'heure "réelle", si l'on considère que l'étudiant-enseignan t doit quand même préparer son cours, corriger ses copies, recevoir les parents, etc.). A charge pour les collègues, bénévolement et en plus de leurs charges toujours accrues, de l'encadrer comme ils pourront. Mais prof, au fond, est-ce vraiment un métier ?...

Il s'agit donc bien de remplacer des enseignants formés, par des "étudiants-enseignants" appelés à faire un petit boulot pour payer leurs études. Quid de l'engagement, du professionnalisme, de l'expérience, de l'investissement personnel, etc. ?

En affaiblissant ainsi le service public sous couvert de "bonne gestion", en mettant devant des élèves des enseignants de plus en plus nombreux sans formation, sans motivation, et sans avenir, le gouvernement a l'ambition de favoriser une migration encore plus rapide des élèves vers les établissements privés. Parallèlement, l'Etat pourra se désengager d'écoles de plus en plus "autonomes", dans lesquelles il n'y aura de toute façon que des enfants de pauvres - autant dire personne. Il sera bientôt possible de laisser pourrir, encore plus (si la chose est possible), les écoles ghettos, tandis que prospèreront les officines privées et autres institutions respectables - mais payantes...

Avec un salaire d'enseignant titulaire en fin de carrière, on peut recruter deux gardiens de prison : opération blanche.

L'opinion doit être informée du carnage qui est en marche. Rapidement.

Cordialement
François Regourd, Université Paris Ouest Nanterre

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